Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/347

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appelé en riant ma Guiche, l’autre l’appela Cinq-Mars. « Ah ! le Roi m’appelle bien monsieur, dit M. le Grand. — Et moi aussi, » répondit le maréchal. Avec le cardinal de Richelieu même il gardoit toujours quelque ombre de liberté. Il s’est maintenu long-temps avec le cardinal Mazarin et M. le Prince tout ensemble. M. le Prince l’appeloit le grand prince de Bidache, et Toulongeon le piètre prince de Bidache[1] : c’est une belle terre de Béarn. Ce Toulongeon étoit des petits-maîtres ; c’est le plus grand lésineur de France, il n’a jamais un habit qui soit tout neuf. Il ne manque pas d’esprit.

Enfin le maréchal fut contraint de se retirer durant la Fronderie, ne pouvant se résoudre à être contre M. le Prince. Les gendarmes de Bordeaux pensèrent l’enlever, comme il alloit en Béarn ; il s’en plaignit hautement, et disoit : « Cela ne se feroit pas chez les Cannibales : je ne suis point armé contre eux, je vais planter mes choux tout doucement. » On le trouvoit à dire à la cour ; il joue, son train est toujours propre et en bon état ; lui est bien fait, mais il a la vue courte ; il est adroit, et d’une conversation fort agréable.

Il dit en se couvrant : « Madame, vous l’ordonnez donc, » quoique la dame n’y eût point songé. Il a dit d’assez plaisantes choses. Ayant trouvé en Champagne un garde d’Aiguebère, gouverneur du Mont-Olimpe : « Qui êtes-vous ? lui dit-il. — Je suis

  1. Le maréchal de Gramont et le comte de Toulongeon étoient frères, et on a vu plus haut, dans la note de la page 340, que cette famille mettoit au nombre de ses titres celui de souverain de Bidache.