Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/371

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ai que faire. » La marquise, qui cherchoit à se divertir, et qui aussi ne vouloit pas qu’on fît d’insolences, le fit venir, et lui remontra qu’il devoit profiter de l’occasion qui s’étoit présentée pour faire voir son humilité, et non pas scandaliser tout le monde comme il l’avoit fait ; « car, ajouta-t-elle, vous avez dit : Portez-le au diable ; ne savez-vous pas qu’il ne le sauroit recevoir, et que tout ce qui est béni fait fuir les démons ? » Elle lui dit encore bien des choses ; enfin, après avoir bien écouté : « Il est vrai, dit-il, que j’ai tort ; mais, madame, après tout, où est-ce que l’on tiendra son rang, si on ne le tient dans l’église ? »

Au commencement qu’il connut M. Conrart, il ouït dire à l’hôtel de Rambouillet qu’il avoit la goutte. Le soir même il va trouver Monsieur et Madame : « J’ai appris, leur dit-il, que ce pauvre M. Conrart a les gouttes ; c’est dommage. Je sais, ma foi, par Dieu[1] ! une recette infaillible pour le guérir ; il y a plus de trente rois qui la voudroient savoir ; je la lui dirai pour l’amour de lui. — Eh bien ! maître Claude, dit madame de Rambouillet, allez-vous-en demain savoir de ses nouvelles de ma part ; et puis de votre part à vous, lui direz votre recette. — Ah ! madame, reprit-il, ce sera de votre part. — Non, dit-elle, de la vôtre ; il faut qu’il vous en ait l’obligation. » Il y va, et après avoir fait les compliments de son maître et de sa maîtresse, il lui dit : « Monsieur, je vous dis à cette heure de ma part que je vous veux guérir de vos gouttes ; mon remède est infaillible ; ma foi, par Dieu ! il n’y en a point de tel. — Hé ! dites-le-moi donc,

  1. C’étoit son juron. (T.)