Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/418

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désabusés avant qu’on l’imprimât, car il en avoit lu des livres[1] çà et là, en mille lieux. On dit que messieurs de Port-Royal ont été les seuls à qui il a communiqué son ouvrage ; mais ou il ne les a pas crus, ou ils ne s’y connoissent guère. Il l’a montré aussi à Ménage, car il le craint comme le feu, et ne manque pas une fois d’aller à son académie, non plus que de visiter bien soigneusement le petit Boileau.

Pour revenir à La Ménardière, c’est une espèce de fou qui n’est pas ignorant ; mais c’est un des plus méchants auteurs que j’aie vus de ma vie. Il s’avisa dans son livre de vers de mettre en lettres italiques certains mots par-ci par-là ; personne ne put deviner pourquoi, car, par exemple, dans un vers il y aura le mot d’amour en ce caractère. Je lui en demandai la raison : « C’est un mauvais conseil, me dit-il, que quelques-uns de mes amis m’ont donné de marquer ainsi ce que je croyois de plus fort dans mes vers. » Saint-Amant, à qui je dis cela, me dit : « Je pensois qu’il eût voulu marquer le plus foible. » Il se plaignoit de M. Chapelain, qui ne lui avoit pas donné son livre, et qui ne lui avoit pas rendu, disoit-il, ses visites. Il se trouva qu’il n’étoit pas bien fondé ; cependant ces sottes plaintes et autres choses firent connoître qu’il étoit le sieur Du Rivage. C’est une vanité enragée ; il fit mettre dans la Gazette qu’il avoit traité de la charge de lecteur du Roi.

Or, il y eut un procès sur cet écrit de Du Rivage. M. le chancelier, qui n’aime pas Chapelain, parce que Chapelain n’a jamais rien fait à sa louange,

  1. Il n’en a jamais lu que les quatre premiers. (T.)