Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Dans sa dernière maladie, il étoit étrangement superstitieux. Un jour qu’on lui parloit de je ne sais quel béat qui avoit un don tout particulier pour découvrir les corps saints, et qui, en marchant, disoit : « Fouillez là, il y a un corps saint, » sans y manquer une seule fois, Nogent[1] dit, à sa manière de mauvais bouffon, comme dit le Journal du cardinal : « Si je le tenois, je le mènerois avec moi en Bourgogne, il me trouveroit bien des truffes. » Le Roi se mit en colère, et lui cria : « Maraud, sortez d’ici. » Il mourut assez constamment, et disoit en regardant le clocher de Saint-Denis, qu’on voit du château neuf de Saint-Germain, où il étoit malade : « Voilà où je serai bientôt[2]. » Il dit à M. le Prince : « Mon cousin, j’ai songé que mon cousin, votre fils, étoit aux mains avec les ennemis, et qu’il avoit l’avantage. » C’est la bataille de Rocroy. Il envoya quérir le Parlement, pour leur faire promettre qu’ils observeroient la déclaration qu’il avoit faite. C’étoit sur celle du cardinal de Richelieu, dont il n’avoit fait que changer quelque chose. Par cette déclaration, la Reine avoit un conseil nécessaire,

    soit à couvert de toutes les entreprises de ses ennemis ; qu’il jouisse longuement d’une bonne paix, que Dieu y soit servi et révéré si saintement, que nous et nos sujets puissions arriver heureusement à la dernière fin pour laquelle nous sommes créés : car tel est notre bon plaisir. »

  1. Un jour que Nogent entra dans la chambre du Roi, il lui dit : « Ah ! que je suis aise de vous voir, Nogent ; je croyois que vous fussiez exilé. » (T.)
  2. On lit les plus grands détails sur la mort du Roi dans le Mémoire fidèle des choses qui se sont passées à la mort de Louis XIII, par Dubois, l’un de ses valets-de-chambre. (Curiosités historiques ; Amsterdam, 1759, tom. 2, p. 44.) Cette pièce devroit faire partie de la Collection des Mémoires relatifs à l’histoire de France.