Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/47

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son fils fût duc, et disoit le cri d’armes de Rohan :

Roi, je ne puis,
Duc, je ne daigne,
Rohan je suis.

Elle avoit de l’esprit et a écrit une pièce contre Henri IV, de qui elle n’étoit pas satisfaite je ne sais pourquoi, où elle le déchire en termes équivoques, Comme ce prince n’a rien d’humain, etc. Elle a été de plusieurs cabales contre lui.

Elle avoit une fantaisie la plus plaisante du monde : il falloit que le dîner fût toujours prêt sur table à midi ; puis quand on le lui avoit dit, elle commençoit à écrire, si elle avoit à écrire, ou à parler d’affaires ; bref, à faire quelque chose jusqu’à trois heures sonnées : alors on réchauffoit tout ce qu’on avoit servi, et on dînoit. Ses gens, faits à cela, alloient en ville après qu’on avoit servi sur table. C’étoit une grande rêveuse. Un jour elle alla pour voir M. Deslandes, doyen du parlement ; madame Des Loges étoit avec elle, et en attendant qu’il revînt du Palais, elle se mit à travailler et à rêver en travaillant ; elle s’imagine qu’elle est chez elle, et quand on lui vint dire que M. Deslandes arrivoit : « Hé, vraiment, dit-elle, il vient bien à propos. Hé ! monsieur, que je suis aise de vous voir ! Hé ! quelle heure est-il ? Il faut, puisque vous voilà, que nous dînions ensemble. — Madame, vous me faites trop d’honneur, » dit le bon homme, qui aussitôt envoya à la rôtisserie. Enfin on sert, elle regarde sur la table. « Mais, mon bon ami, vous ferez méchante chère aujourd’hui. » Madame Des Loges eut peur qu’elle