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refuser ce temoignage à ma conscience. Apres cela, quelque party qu’il prenne, j’en seray content. Embrassez et baisez de ma part ce tres aymable frere, et soyez tousjours asseuré que je suis tout à vous, Monsieur mon cousin.

Vostre tres humble et obeissant serviteur,
L. Thomassin[1]


IV


Monsieur, je suis tout à fait mortifié de repondre si tard à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Un voyage que j’ai fait en Normandie en est cause, parce que la lettre a couru bien des villes de Normandie et n’est revenue à Paris qu’après mon retour. Rien n’est plus obligeant que les offres dont vous m’honorez et les recherches que vous avez pris la peine de faire pour me donner quelque eclaircissement. Je voi bien que ce sont là des effets de cette humeur bienfaisante que le public connoit en vous, Monsieur, depuis si longtemps, et à laquelle nous devons le grand et bel ouvrage du pere Pagi[2]. La Provence

  1. Dans la lettre suivante, écrite à Paris, le 17 juillet, le P. Thomassin donne à son cousin les plus sages conseils, exprimés d’une façon charmante. Il lui dit que « l’amour de la retraite, de l’estude et de la prière, est le moyen le plus assuré pour vivre content en ce monde, et ne perdre pas la félicité que nous esperons dans l’autre. » Il ne veut pas que l’on s’abandonne « au torrent de la corruption du monde ». Il insiste pour que son cousin, afin d’éviter « ces pas glissans », se réfugie dans « l’estude et la campagne. » Il lui recommande la patience, la douceur, la complaisance, qu’il faut dit-il, « pousser jusqu’à l’infini ». « Le bonheur de cette vie », ajoute-t-il, « n’est pas dans l’abondance des biens et des honneurs, mais dans cette forte disposition de l’âme, qui prend tout en bonne part, qui s’accommode à tout, qui ne se trouble et ne s’inquiète de rien, qui reçoit tout avec joye et avec egalité d’esprit ». — Nous retrouvons d’autres excellents conseils dans une lettre du 28 juillet : « Nous apprenons », écrit-il de Paris à son cousin, « durant le temps des maladies à bien user de la santé, et il faut apprendre durant la santé, à profiter des maladies. » Le P. Thomassin donne là cette définition de la vie : « Ce n’est qu’un peu de fumée qui se dissipe en tres peu de temps. » Il fait ensuite l’éloge de la gaité : « La tristesse doit estre reservée tout entiere pour nos pechez, et elle n’est bonne qu’à cela. Hors de là elle nous gaste le corps et l’ame… Il n’y a rien de si gai que la vertu et la pieté. » La dernière lettre (f° 132) est une lettre de félicitation sur le mariage de M. de Mazaurgues : « Je prie N.-S. qu’il vous donne à vous et à madame vostre femme une heureuse lignée, qui soit riche encore plus en piété et en vertu, qu’en gloire et en biens, car ce monde n’est qu’une ombre qui passe, et nous passerons avec lui, si la religion et la vertu ne nous procurent des biens permanens et une gloire sans fin. J’ay appris avec bien de la joye que vous goustiez les douceurs d’une vie reglée et chrestienne, et que nous devrons esperer au plustost la benediction de vostre mariage ». Louis de Thomassin avait épousé, le 20 juillet 1676, Gabrielle de Seguiran, fille de Raimond de Seguiran, seigneur de Bouc, premier président en la cour des comptes, aydes et finances de Provence.
  2. Ant. Pagi Critica in universos annales ecclesiastici Baronii, Anvers (pour Genève), 1705, 4 vol. in-folio. On garde 19 lettres d’Ant. Pagi à Mazaurgues dans le tome premier du recueil 435. Sur les deux Pagi, l’oncle et le neveu, voir les articles de Moréri, de Chauffepié, de Nicéron, surtout le recueil de Bougerel : Mémoires pour servir à l’histoire de plusieurs hommes illustres de Provence.