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Je vous remercie, Monsieur et cher ami, de m’avoir donné de vos nouvelles. Je voudrais en avoir de bonnes à vous envoyer en retour. Mais, dans le monde politique et dans le monde domestique, je ne vois que deuil. Vous savez le déplorable accident qui, tout près de vous, a coûté la vie à ma pauvre jeune et si jolie belle-sœur, Madame Devaines. J’ai reçu hier des nouvelles de Claremont écrites au moment même où la Reine et toute la famille royale partoient pour aller à Ostende recevoir les derniers soupirs de la Reine des Belges. Et probablement ils seront arrivés trop tard. Que de douleurs dans cette rare famille ! La branche cadette de la maison de Bourbon en est aussi abreuvée que la branche aînée, et notre excellente Reine peut se placer, parmi les martyrs de la destinée royale, à côté de Madame la Dauphine[1].

Je persiste dans l’opinion que vous me connoissez. Tant que les deux partis conservateurs seront désunis, il n’y a rien de bon à espérer pour notre pays. Je ne crois pas que la République puisse arriver à l’ordre stable, et il n’y a pas de quoi faire en France deux monarchies. Mais cette vérité me paroit encore loin d’être comprise et admise par le public. En attendant qu’elle le soit, il n’y a rien de mieux à faire que de soutenir le statu quo, et d’en tirer, au profit de l’ordre, tout ce qu’il pourra fournir. Voilà

  1. Cet éloquent passage, les hautes considérations politiques qui vont suivre et enfin la touchante et charmante anecdote sur Monseigneur le comte de Paris, rendent toute cette lettre bien précieuse et lui assurent, ce me semble, une place dans la prochaine édition du recueil publié avec un soin si filial, si religieux, par Madame de Witt : Lettres de M. Guizot à sa famille et à ses amis (Paris, Hachette, in-16). Pour qui veut bien connaître les grandes qualités de l’homme privé, il faut joindre à ce recueil un volume qui le complète à merveille et que l’on doit aussi à la délicate main de Madame de Witt : M. Guizot dans sa famille et avec ses amis (Paris, Hachette, in-16.)