Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/149

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avait suivi l’opinion de son maître, c’est-à-dire soutenu que Xénophane ne s’était pus prononcé entre la limitation ou l’infinitude, entre le repos ou le mouvement.

Diels[1], en dernier lieu, a montré que l’opinion de Zeller ne peut être maintenue en ce qui concerne Théophraste. La comparaison des doxographes établit sans conteste que l’historien des Physiciens a représenté l’univers de Xénophane comme limité, sphérique et immobile.

Mais comment, dans ces conditions, expliquer le passage de Simplicius ? De fait, la chose est très simple. Le commentateur n’avait nullement à sa disposition l’ouvrage historique de Théophraste ; il le cite d’après Alexandre d’Aphrodisias, qui suit fidèlement le disciple d’Aristote et réfute Nicolas de Damas. Mais en même temps Simplicius a entre les mains le traité De Melisso, qu’il attribue à Théophraste ou qu’il croit au moins représenter la doctrine de ce dernier. Il s’imagine donc qu’Alexandre défigure cette doctrine et il essaie de la rétablir avec des interpolations empruntées au traité De Melisso. Les vers de Xénophane qu’il cite proviennent d’ailleurs certainement de Théophraste par Alexandre, et, quoi qu’il en dise, les deux premiers (fr. 4) sont absolument contraires à sa thèse, tandis qu’ils justifient parfaitement celle de Théophraste et d’Alexandre en ce qui concerne l’immobilité.

Mais il ressort de là même et de la contradiction soulevée par Nicolas de Damas, que, pour la limitation et la sphéricité de l’univers, Théophraste n’avait pu, au contraire, trouver un texte de Xénophane qui justifiât sa thèse, mais seulement une expression très vague, comme « semblable dans toutes ses parties » ou bien « égal de tous côtés », où il avait cru voir l’indication de la forme sphérique, et par suite de la limitation.

Comment cependant a-t-il pu soutenir sa thèse et entraîner, dès lors, par une suite nécessaire, l’invention ultérieure des antinomies ?

En premier lieu, Théophraste croit, comme Aristote, que le monde est sphérique et limité. Il est donc porté, dès que cette opinion n’est point spéciale à son école, à augmenter le nombre de ses partisans. D’autre part, il est imbu de l’idée que Xénophane a eu pour disciple Parménide, lequel a soutenu la sphéricité de l’univers et séparé le domaine de la vérité de celui de l’opinion.

  1. Doxographi grœci, p. 108, 113, 140.