Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/59

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dernier Milésien aurait été longuement en rapport avec les deux premiers, Thalès et Anaximandre ; au contraire il n’aurait pu connaître Anaxagore.

Reste toujours maintenant la date Ol. 63 = 528, provenant d’Apollodore, et qui représenta certainement une tout autre tradition. Nous avons déjà reconnu qu’elle ne peut s’appliquer à la mort ; peut-elle correspondre à l’acmé par quelque corruption analogue à celle qui entache la suite du texte de Diogène Laërce ?

On ne voit pas à quelle combinaison répondrait une pareille détermination. Au contraire, il en est une qui justifie suffisamment le texte, d’après lequel cette date Ol. 63 s’applique à la naissance.

Dans cette combinaison, Anaximène est décidément séparé d’Anaximandre et rapproché d’Anaxagore à une distance égale à celle qui existe entre Thalès et Anaximandre, Pythagore comble la lacune entre Anaximandre et Anaximène, mais sans avoir de rapports personnels avec ce dernier, né seulement après le départ de Samos.

Je considère comme très possible que ç’ait été là, en réalité, la combinaison d’Apollodore ; Sosicrate au contraire l’aura rejetée et en aura forgé une toute différente, peut-être d’après les lettres apocryphes qui, de son temps, pouvaient commencer à circuler.

Mais la véritable conclusion, c’est que les anciens n’en savaient pas plus que nous sur l’époque de la vie d’Anaximène ; seulement, conformément à l’idée d’une succession, idée engendrée par les usages des écoles postérieures, ne pouvant d’ailleurs établir une continuité complète entre les Ioniens, ils auront voulu rapprocher le dernier Milésien, soit de son maître, soit de son disciple prétendu. De là une divergence de près de soixante ans sur la date de la naissance d’Anaximène ; la vérité est peut-être entre ou plutôt contre les deux opinions, car il est très possible qu’Anaximène n’ait connu ni Anaximandre ni Anaxagore. En tout cas, pour le faire échapper à la ruine de Milet par les Perses en 496, il faudrait le faire réfugier à Lacédémone, où Pline nous le montre installant un gnomon, ou plutôt à Lampsaque, colonie de Milet, où son nom a été continué glorieusement et où, plus tard, Anaxagore devait aller aussi chercher un asile.

9. Héraclite. Anaxagore. — L’acmé d’Héraclite (Diog. L., IX, 1) laisse place également à une incertitude assez grande ; car la date Ol. 69 = 504 semble choisie arbitrairement vers le