Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/159

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les traits sociaux de la métropole, fait peser sur son île un pouvoir de plus en plus prépondérant, si ombrageux et si écrasant, qu’à moins d’être renversé par un coup de force populaire, il doit nécessairement finir par réduire à néant toute énergie productrice dans le cœur de ses sujets. Son triomphe complet ou son renversement, c’est donc également la mort de l’État. Une alternative analogue s’offre inévitablement pour solution finale à la longue lutte de la Discipline vitale contre ses éléments impétueux et divers. Si, comme, par exemple, à l’occasion d’une blessure ou d’une maladie, les instincts séparatistes de ceux-ci viennent à l’emporter, l’effet est le même que si l’affermissement graduel du Pouvoir vital se poursuit lentement et sans obstacle : dans l’un et l’autre cas, la mort s’ensuit. Dans le second cas, on s’éteint, on « meurt de vieillesse ».

Inévitable est donc la mort. Ce n’est pas sans raison et sans profondeur que Spencer a vu, dans la roideur cadavérique, et non, comme un esprit plus superficiel eût pu le penser, dans l’état adulte, la consommation suprême du développement individuel, son illusoire couronnement. L’état adulte est un équilibre mobile, et, comme le savant transformiste l’a fort bien montré, tout équilibre mobile est un acheminement à l’équilibre seul parfait, au repos. Quand la toupie ronfle, elle aspire à tomber. Par son fonctionnarisme machinal, sa centralisation abusive, sa manie routinière, la vie aboutit fatalement à étouffer ce qu’elle étreint. Elle consolide les os, durcit les muscles, les veines, les nerfs eux-mêmes, et, de l’automate qu’elle fait ainsi, au cadavre qu’elle fera demain, il n’y a qu’un pas. Il n’est donc pas vrai, malgré la fausse définition de Bichat, que