Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/264

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désastreuse, qui ébranle nos confiances les plus chères et les remplace par des convictions contradictoires, ne subsiste pas longtemps en sa vivacité naissante, mais elle descend peu à peu dans le fond de notre être, vitalement déprimante parce qu’elle est, pour ainsi dire, une inquiétude, une insécurité passée dans le sang.

On peut faire, à l’occasion de ces deux sentiments, une remarque d’une vérité générale. Si l’on n’avait pour les distinguer d’autre pierre de touche que la différence des états physiologiques qui les accompagnent, on serait souvent exposé a les confondre. D’une part, des sentiments psychologiquement identiques ont des conditions physiologiques différentes ou même inverses ; d’autre part, des sentiments psychologiquement distincts ou même opposés se traduisent par des perturbations analogues de l’innervation ou de la circulation. Un jeune psychologue[1] signalait dernièrement deux sortes de joie, l’une et l’autre identiques pour la conscience, mais liées à des conditions corporelles en partie contraires. Dans l’une, qui est la joie vraie, saine, normale, « d’origine centrale », c’est-à-dire où l’apparition d’une idée est le phénomène déterminant, la tension artérielle est au-dessus de la moyenne. Dans l’autre, de nature morbide et « d’origine périphérique », la tension artérielle est au-dessous de la moyenne[2]. Le même auteur assure que, dans la tristesse

  1. V. Revue philosophique, juin 1896, étude de M. G. Dumas, sur la Joie et la Tristesse.
  2. Dans l’un et l’autre cas, d’ailleurs, le résultat est une circulation plus abondante du sang dans le cerveau, une « hyperhémie cérébrale » ainsi qu’une accélération de la respiration. Dans le second cas, « la nature a imité la joie... elle l’a falsifiée... et l’esprit du sujet est dupe ». C’est le cas des paralytique