Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/266

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profondeur. « Le cours ordinaire d’une joie ardente, dit Wundt, consiste en un étourdissement subit, voisin de l’effroi et qui graduellement s’efface devant la succession rapide d’images gaies, enfantées par l’imagination. Dans l’émotion pénible subite, les premières représentations, qui l’ont engendrée, maintiennent entièrement leur puissance, et la conscience, qui se recueille par degrés, se défend contre cette puissance. » Attitude défensive, qui persiste longtemps, qui correspond non à une attitude offensive, mais à une dissipation dispersive et passagère dans le cas de l’émotion joyeuse.

À propos des sentiments qui nous occupent, on pourrait, aussi bien qu’au sujet des sensations, agiter une question très débattue entre psychologues : celle de savoir s’il y a des états neutres, ni agréables ni pénibles. La-dessus Horwicz et Wundt sont en contradiction l’un avec l’autre, d’autres avec eux-mêmes ; Ribot, comme Wundt, est pour l’affirmative : et l’on peut s’étonner que leur thèse ait pu être contestée. Dans le passage de l’état agréable à l’état pénible d’une même sensation dont l’intensité augmente par degrés, il y a évidemment un moment rapide, mais inévitable, où cette sensation cesse d’être agréable et n’est pas encore pénible. Un si étrange problème n’a pu être posé et discuté que parce qu’on a commis l’erreur de considérer le plaisir ou la douleur comme une propriété de la sensation, au lieu d’y voir le résultat de sa combinaison avec le désir ou la répulsion[1]. À ce faux point

  1. C’est qu’en réalité, eo tant que sensations, les états dits neutres sont eux mêmes qualifiés comme le gris lui-même est une couleur. Y a-t-il des plais absolument insipides ? On peut en douter, car une saveur insipide est une contradiction dans les termes. Mais certainement il y a un état zéro entre l’appétit et son contraire qui est l’état de nausée. Cet état zéro est même l’état habituel