Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/294

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natures d’esprit doivent donc être envisagées à part des caractères proprement dits et non confondues avec ces derniers. Par exemple, en fait de natures d’esprit, distinguons les gens dont l’esprit se satisfait par peu d’idées très logiquement liées, ou par beaucoup d’idées faiblement liées : ceux-ci plus littéraires, ceux-là plus scientifiques. Une troisième catégorie est celle des esprits philosophiques, qui ont besoin de beaucoup d’idées très fortement liées. Chaque tempérament intellectuel, en effet, à son espèce de saturation particulière, et qui le caractérise. Ces distinctions-là marquent des types supérieurs en généralité compréhensive à ce qu’on appelle les vocations, où l’on voit les prédispositions mentales dont il s’agit se spécifier par leur application soit à telles images ou idées visuelles et acoustiques (peintres, musiciens, architectes), soit à telle catégorie d’idées plus ou moins abstraites (mathématiciens, naturalistes, sociologues). De là les talents, qui résultent de cette spécialisation d’une nature d’esprit dans un certain domaine de la sensibilité, de l’imagination ou de l’intelligence. Le même penchant à la systématisation étroite et intense, ou large et faible, ou vaste et forte à la fois, peut se faire jour en peinture, en musique, en architecture, en poésie, dans une branche de sciences quelconque. Un fin critique n’aura pas de peine à dire quel genre de talent auraient déployé Racine ou Corneille en mathématiques, ou Pascal en poésie dramatique, s’ils avaient changé de vocation. Tel sonnettiste ciseleur eût pu être un Benvenuto Cellini ou un monographiste distingué ; Bossuet eût été facilement un Auguste Comte, ou plutôt un Cuvier.