Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/332

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avant de les bâtir en pierre, puis en fer, il n’est pas moins démontré qu’il a commencé par habiter des grottes qu’assurement il clôturait par des murs grossiers longtemps avant de savoir construire une hutte. Mais, dans leur ensemble, les séries dont il s’agit sont conformes aux données archéologiques et révèlent un véritable versant de la préhistoire et de l’histoire. Cette pente générale peut-elle être remontée, et y a-t-il lieu de penser qu’elle l’a été ou le sera ? Évidemment, non. Si quelque catastrophe engloutissait tous les secrets de la civilisation, l’homme, retombé brusquement au bas de son échelle, se remettrait à la gravir, mais on ne le verra point, en vertu d’un déclin continu, la redescendre échelon par échelon. Si la métallurgie moderne se perd jamais, elle ne sera point remplacée par un retour au bronze des palafittes, puis au silex poli, puis au silex éclaté, puis au bâton de l’orang-outang. jamais on n’abandonnera le fusil pour revenir à l’arbalète, et à l’arc, puis à la massue d’Hercule. Par paresse d’esprit, par assoupissement intellectuel dû à l’appauvrissement ou à l’excès même du bien-être, le civilisé déchu pourra bien oublier ses sciences supérieures, mais il retiendra toujours les secrets de fabrication raffinée qui en sont l’application industrielle et dont il continuera à vanter l’utilité. Il y aura des photographes longtemps après qu’il n’y aura plus de chimistes. Cette paresse dont je parle, après tout, n’est, sous un autre nom, que le mobile même du progrès, la tendance par laquelle s’explique l’évolution économique tout entière, à produire avec un effort donné un effet plus grand, ou, avec un effort moindre, un effet donné. En tant qu’opérées sous l’empire de ce mobile, toutes