Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/347

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Sous quelque aspect qu’on la considère, une société laisse apercevoir facilement des choses qui augmentent ou diminuent, des hausses ou des baisses, parmi lesquelles il en est un petit nombre seulement que la statistique parvient à mesurer ; ce qui ne veut pas dire que celles-ci soient des quantités plus pures ou plus réelles que les autres. Leur privilège de mesurabilité leur vient le plus souvent de quelque signe extérieur et commodément saisissable qui les désigne au calcul, en dépit de leur homogénéité insuffisante, tandis que d’autres, bien plus homogènes, mais moins visibles, échappent aux calculateurs.

La population progresse ou décroît ; une religion gagne ou perd des fidèles ; un parti politique des adhérents. Une langue est parlée par un nombre croissant ou décroissant d’individus. L’enseignement primaire, secondaire, supérieur, se répand ou décline. La production, la consommation d’une denrée, d’une étoffe, d’un article industriel quelconque, augmente ou diminue[1]. Un vice, tel que l’ivrognerie ou l’alcoolisme, une espèce de crime, tel que l’attentat à la pudeur sur des enfants, se propage ou se raréfie. Voilà bien des choses qu’on peut appeler des grandeurs, puisqu’elles sont susceptibles d’augmentation et de diminution, mesurées par la statistique ; et il en est une foule d’autres qui, sans être mesurables statistiquement, ne sont pas moins certaines.

  1. La vie économique est toute pleine d’oppositions quantitatives des plus précises. Par exemple, le papier sur l’étranger se négocie tantôt de plus en plus au-dessus du pair (du pair, qui est ici l’état zéro), tantôt de plus en plus au-dessous. Le premier effet se produit quand les dettes envers l’étranger se trouvent sur le marché plus nombreuses que les rréances sur l’étranger ; le second effet a lieu dans le cas précisément inverse.