Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/349

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d’une substance sont de petites individualités différentes, mais semblables par quelques côtés, sous lesquels nous les envisageons quand nous donnons le nom de quantité à leur groupe, à leur masse.

Il en est de même des hommes. La statistique les dénombre, en tant que semblables comme français, comme anglais, comme russes, ou comme agriculteurs, comme commerçants, comme industriels, ou comme récidivistes criminels ou correctionnels. Dans ces divers dénombrements, la statistique manie des quantités vraiment sociales. Mais, si elle dénombre pêle-mêle des Français, des Chinois, des Polynésiens, des nègres, ou si elle n’a égard qu’à la race dans le sens physiologique et non ethnique du mot, sans distinction des nationalités, des classes, des cultes, des professions, elle n’envisage les hommes que par le côté de leurs similitudes vitales, et ce sont alors des quantités vitales, non sociales, qu’elle étudie.

Ajoutons une remarque essentielle. Si la similitude des êtres ou des phénomènes est ce qui permet de les nombrer et de les traiter comme des grandeurs, les nombres ainsi obtenus auront une tout autre signification suivant que cette similitude aura été fortuite, produite par la rencontre non cherchée de causes différentes, ou qu’elle aura été l’effet direct et en quelque sorte intentionnel d’une même cause, telle que l’élasticité, cause de la répétition des ondes lumineuses ou sonores, la génération, cause de la répétition héréditaire des phénomènes vivants, ou la sympathie[1], cause

  1. La sympathie dans le sens le plus large du mot, dans un sens abusif, si l’on veut, dans lequel on peut dire qu’il y a une sympathie envieuse et non pas seulement admirative, — haineuse même parfois.