Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/375

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Une explication tragique de l’histoire par des combats de principes contraires ou par des contrastes violents a inspiré tous les essais spontanés de la sociologie populaire et religieuse. Je n’en citerai qu’un exemple, mais bien propre à montrer les conséquences sociales que peut avoir une opposition artificielle, accréditée par la religion : le gnosticisme nous le fournit.

Quand, aux IIe, et IIIe siècles de notre ère, le grand mélange des civilisations orientales et occidentales dans l’Empire romain suscita le besoin d’assimiler tout cela en une puissante synthèse, la pensée grecque, dialecticienne subtile, s’offrit pour la fusion de ces éléments hétérogènes. Alors le noyau des premiers dogmes chrétiens servit de ferment principal à cette fermentation, de levain à cette pâte. Le gnosticisme, avec ses différentes écoles, fut l’agent de cette élaboration. Dans son amalgame se sont rencontrés, avec les habitudes de l’esprit platonicien, les matériaux fournis par la pensée sémitique et la vie du Christ. Il est remarquable que, dans son vaste système, se révèlent à la fois un profond besoin d’universaliser la connaissance et un besoin non moins accusé de la symétriser, de la fonder sur des vis-à-vis de forces antagonistes. On y voit l’Esprit et la Matière s’opposer éternellement, et le monde résulter d’un choc de ces deux contraires. Aussi toute la vie cosmique est-elle suspendue à l’issue du long combat qui s’engage entre les puissances spirituelles et matérielles. Mais, grâce à l’intervention du Christ, les puissances spirituelles, peuvent, si elles luttent avec lui contre la matière par des rites sacrés, par la chasteté, par l’ascétisme le plus austère, parvenir à leur céleste