Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/39

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effet le néant, comme l’infini, n’est intelligible qu’en un sens relatif. L’infini en soi, le néant en soi, sont verba et voces. Mais chaque chose peut être conçue comme ayant son néant à elle, sa manière de ne pas être. À vrai dire, néant, neutralité, zéro, en ce sens, signifient équilibre et stabilité ; et le rôle essentiellement conservateur plutôt que destructeur, nullement créateur, de l’opposition, se révèle ici. C’est pourquoi on s’est mépris sur la portée de ce phénomène universel quand on a prêté à la lutte pour l’existence, notamment, une efficacité inventive de nouveaux types, au lieu de borner sa vertu à l’épuration et à la défense des anciens. Ce caractère sera manifeste si nous regardons un type spécifique quelconque, ce qu’on appelle l’état normal d’une espèce, comme l’état zéro incessamment traversé par la série des variations individuelles en sens inverses qui se combattent entre elles et le maintiennent à la faveur de leur lutte même, soit qu’elles s’incarnent dans les générations successives qui vont oscillant de l’un à l’autre de ces extrêmes, soit qu’elles soient représentées par des groupes à peu près égaux de contemporains, comme les statisticiens démographes le savent bien. Ainsi conçu, le type normal est, en d’autres termes, le zéro de monstruosité. Naturellement, il n’est opposable à rien, comme le cercle, et pour une raison analogue, à moins qu’on ne l’oppose, par hypothèse, à l’ensemble de tous les autres types qui non seulement sont nés, mais auraient pu naître de lui, dans les sens les plus divergents, par un entassement infini de monstruosités.

Suivant les psychologues anglais, M. Spencer en particulier, le moi ne saurait éprouver deux états en même temps ; et,