Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/397

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mesure qu’on remonte dans le passé, qui a aussi connu ses crises, et de plus en plus étendue à mesure qu’on avance vers l’avenir). Mais, d’autre part, ce n’est point la coexistence et la lutte du pessimisme et de l’optimisme, de l’excès de confiance et de l’excès de méfiance, qui constitue la crise, car l’excès de confiance est tombé quand la crise éclate, et c’est précisément parce qu’il tombe, qu’elle naît. Il y a donc ici opposition-rythme, mais non opposition-lutte. Il y a désaccord, désadaptation, déséquilibre ; il n’y a point contradiction et neutralisation. Il y a bien dépérissement et annihilation de valeurs, comme l’indiquent les cotes de la Bourse, où des chutes soudaines et multipliées jettent l’épouvante ; mais il n’y a pas, à proprement parler, destruction mutuelle de valeurs, comme il arrive quand la concurrence de deux articles similaires fait baisser les prix des deux. En cas de crises, la concurrence des producteurs qui offrent les articles au rabais joue un grand rôle sans nul doute, mais elle-même n’est que l’effet d’une production disproportionnée aux besoins de la consommation correspondante au prix que les productions concurrentes avaient tous en vue, et, c’est cette disproportion, non la rivalité des productions, qui a produit l’avilissement des articles.


Aussi faut-il bien distinguer de ces crises commerciales et financières (finement étudiées par M. Clément Juglar) des crises d’un tout autre genre que M. Paul Leroy-Beaulieu a raison de mettre à part et qui mériteraient peut-être un nom distinct. Je parle de ces troubles profonds du régime économique et moral d’un peuple où une conversion religieuse, une transformation politique, l’apparition simultanée de plusieurs