Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/398

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grandes inventions rénovatrices, introduisent brusquement des convictions nouvelles et des besoins nouveaux, qui impliquent la négation partielle ou la partielle suppression des principes et des coutumes jusque-là régnantes. Cette transformation brusque de la foi et du cœur publics, toujours violente et précédée de guerres intérieures sinon de combats dans la rue, a pour effet de susciter une foule de produits nouveaux qui détruisent véritablement la valeur des produits anciens. Ainsi ont été détruites, par la conversion du monde romain au christianisme, d’immenses richesses païennes accumulées sous forme de cirques, de théâtres, de thermes mêmes, d’objets sans nombre servant aux cérémonies des temples. De même, quand l’importation des idées et des modes européennes a débordé sur le Japon, toutes les conditions de sa vieille vie économique ont été bouleversées par suite de la contradiction aperçue entre tant d’institutions féodales du passé japonais et les institutions modernes apportées de l’étranger. Du jour au lendemain, alors, des milliers et des millions d’objets précieux ont perdu leur prix (sauf à le retrouver plus tard, mais à un autre titre, à un point de vue tout archéologique et esthétique), et cette dépréciation a été, je le répète, une véritable destruction.

Ce sont ces dernières sortes de crises qui, seules, appartiennent à notre sujet. Or, devons-nous croire qu’elles sont inévitables, nécessaires, que le progrès humain leur est dû ? La question est grave et ne saurait être résolue en quelques mots. Qui dira, avec impartialité, au lendemain d’une révolution triomphante, si, compensation faite de ses destructions et de ses créations - quand création il y a - l’humanité a