Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/456

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esthétique qu’il s’agit ici, mais de solidité pratique. Par suite, il est essentiel que les « vérités » ainsi dogmatisées ne soient pas formellement contredites par les données de l’expérience ou de l’observation. Donc, tous les dogmes religieux contredits par la science démontrée sont destinés à tomber tôt ou tard. En restera-t-il assez, et d’assez majeurs, pour constituer un corps de doctrine méritant le nom de religion, et pour alimenter le sentiment religieux ? Il n’est pas défendu de l’espérer. Car, des deux dogmes capitaux, Dieu et la Vie future, le second n’est, ni ne pourra jamais être démontré faux et semble même trouver, aux yeux d’un grand nombre d’hommes instruits, sa confirmation nouvelle et inattendue dans bien des phénomènes merveilleux où se précipite la curiosité avivée des psychologues contemporains. Quant au premier, il est telle définition de Dieu où la science la plus scrupuleuse n’aurait rien à objecter. Ce qui est contradictoire dans cette notion, c’est l’idée d’un Dieu à la fois infiniment bon et infiniment puissant. Ces deux attributs, à raison de l’existence indéniable du mal dans le monde, jurent entre eux ; il est nécessaire ou d’opter entre les deux, ou de renoncer aux deux, et de n’admettre qu’un Dieu limité dans sa puissance et d’une bonté finie comme son pouvoir. Ce n’est pas d’un Dieu infini et parfait, mais d’un Dieu très caractérisé, saisissable et perfectible, que l’homme est altéré, et la science travaille peut-être à lui en tracer les traits, à élaborer quelque originale conception divine qui déroutera les théologies du passé[1] .

  1. En ce qui me concerne, je dois avouer que je trouve des difficultés à concilier ces deux dogmes entre eux, au point de vue de l’hypethèse néo-