Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/55

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Nestorius, qui distinguait deux natures et deux personnes en Jésus, et par Eutychès, le monophysique[1]. Impossible d’aller plus loin d’un côté ou d’un autre, à moins de nier la divinité de Jésus-Christ. — Sur la question de la grâce et du libre arbitre, les deux représentants des positions extrêmes sont Pélage, suivant lequel la grâce, sans doute, est efficace, mais la volonté peut se passer d’elle, et saint Augustin, qui croit à la nécessite constante de la grâce, sans cependant affirmer l’absolue inutilité du vouloir.

On voit bien ici à quelles conditions les oppositions que je signale, et quelques-unes qui vont suivre, rentrent dans notre définition générale de l’opposition. Il faut, pour les retenir comme vraies, considérer la doctrine orthodoxe comme l’état neutre traversé par une intelligence qui se porterait de l’une à l’autre de ces positions dites opposées, dont la similitude consiste à avoir le même contenu d’idées affirmé par l’une et nié par l’autre, et, en outre, à être l’une et l’autre des têtes de séries. Seulement, par ce dernier côté, leur ressemblance est tout accidentelle, due aux circonstances historiques, aux conditions mentales passagères qui ont empêché la série d’aller plus loin. Il est clair, en effet, que, si deux autres sectes s’étaient élevées à la suite du pélagianisme et de l’augustinisme, l’une professant que la volonté peut tout et la grâce rien, l’autre que la grâce peut tout et la volonté rien, elles eussent constitué l’opposition la plus radicale que ce sujet comporte en soi. Mais de telles sectes ne pouvaient surgir au

  1. « La secte opposée au nestorianisme et qui la suivit de près, car il se produit toujours de ces sortes de balancements dans la marche des doctrines, est la secte d’Eutychès. » (Renouvier.)