Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/61

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Il ne se produit pas dans le monde une seule suite de phénomènes, états de l’âme, phases embryonnaires, dépôts de couches géologiques, météores, périodes astronomiques, n’importe, qui ne puisse être conçue ou imaginée, à tort ou à raison, comme produite dans un ordre précisément inverse. Je suis un sentier de montagnes. La série de mes impressions visuelles, changeantes à chaque instant, sera retournée quand je reviendrai sur mes pas. Il y a ici succession de choses qualitativement distinctes, qui ne sont point susceptibles de s’ajouter, à vrai dire, les unes aux autres, ni de se retrancher les unes des autres, et qui ne peuvent que se substituer. Aussi, dans ce cas, l’inversion sérielle est-elle seule intelligible. Une étoile variable passe, par hypothèse, du bleu au rouge, du rouge au violet, du violet au vert. À quoi peut s’opposer cet ordre, ce groupe de rapports, bleu, rouge, violet, vert, sinon au même ordre, au même groupe, seulement renversé, vert, violet, rouge, bleu ? L’inversion sérielle implique donc un jugement porte sur l’identité d’un certain ordre à travers et moyennant deux séries opposées. En se distinguant de la sorte de la notion de série, la notion d’ordre affirme sa nature souveraine, plus compréhensive encore que celles d’espace et de temps, comme le voulait Leibniz.

Bien qu’elle rentre en un sens dans l’opposition sérielle, l’opposition quantitative de degré s’en détache par des caractères si tranchés, qu’elle exige une place à part. Nous entendons par là cette grande opposition du plus et du moins, de l’augmentation et de la diminution, qui joue un rôle si important et dont la source psychologique n’est pas malaisée à découvrir dans nos pertes et nos acquisitions intérieures.