Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/62

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C’est en effet par ce caractère d’être intérieures les unes aux autres, que les parties continues et semblables de la quantité se distinguent des éléments discontinus et dissemblables de la série, lesquels sont extérieurs les uns aux autres. Quand un volume, quand une vitesse, quand une masse diminue après avoir augmenté, quand un gaz se réchauffe et se dilate après s’être refroidi et contracté, cette inversion est autrement profonde que celle des couleurs spectrales parcourues du violet au rouge, puis du rouge au violet. Le gaz qui se dilate, le mobile qui s’accélère, acquièrent à chaque instant un volume nouveau, une vitesse nouvelle, qu’ils perdent en se contractant, en se ralentissant. Il y a progrès dans un cas, régression dans l’autre. Mais, quand on passe de l’une à l’autre des couleurs du spectre, peut-on dire que quelque chose progresse ou rétrograde, que quelque chose se développe, si ce n’est le spectateur qui, grâce à sa mémoire, fondement de son identité personnelle, acquiert ainsi de nouvelles sensations visuelles ? Et, de fait, la notion du développement est liée à celle de la quantité ; et, partout où, sous l’apparence de simples qualités qui se succèdent et se substituent, nous sentons qu’un développement se réalise, nous pouvons affirmer qu’elles recouvrent quelque quantité véritable inhérente à la nature d’un être identique à lui-même à travers ses accroissements successifs. En observant les transformations d’un bourgeon, d’un embryon, d’une âme d’enfant, nous disons que nous assistons à un progrès, parce que nous sommes convaincus que quelque chose persiste et s’accroît sous ces variations.

Si nous voulons comprendre l’opposition majestueuse de l’Évolution