Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/97

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suivies de dilatations des vaisseaux, actions réflexes, etc. Et qu’est-ce qui entretient, qu’est-ce qui constitue, dans une société établie, les nombreuses antithèses d’affirmations et de négations, de désirs et de contre-désirs, dont elle est la synthèse ? Cet équilibre social, la coexistence en chaque État des pensées les plus contradictoires exprimées dans une même langue à la logique et harmonieuse grammaire, et dans une même religion savamment théologique ; la coexistence des besoins et des intérêts les plus contraires, des droits et des devoirs, des pouvoirs les plus opposés, des partis, des sectes, des écoles, des classes, des corporations les plus antagonistes, contenus dans les limites d’un même corps de droit, d’une même constitution, d’un même régime économique ; enfin, la coexistence, dans une même civilisation, grande société internationale, de puissances qui s’entre-limitent, d’armées qui s’entre-opposent et se neutralisent mutuellement ; cet équilibre social n’a lieu que parce qu’il s’accomplit des milliers et des milliers de rythmes individuels, de phénomènes périodiques et alternatifs. Jamais, dans le cerveau d’un individu, coexistence pareille de contraires ne se produit ou ne dure à l’état normal ; mais, chez tous les individus, il y a succession de thèses et d’antithèses, aller et retour d’un état à l’état inverse, et, soit qu’ils se fixent, comme c’est la règle, en une conviction et une résolution momentanément définitive, en un état relativement stable, soit qu’ils persévèrent exceptionnellement dans cette vie oscillatoire, ils contribuent à former ou à maintenir quelqu’une des antinomies nationales. Chaque individu, tour à tour, affirme et nie, nie et affirme la même chose, désire et repousse, repousse et désire le même objet ;