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MÉLANGES

se mettre à l’œuvre — Deux insertions de l’avis dans la Gazette officielle, deux mois de délai après la dernière insertion avant que l’annulation puisse se faire, et après l’annulation, un autre délai de deux mois avant que le lot puisse être vendu. Ainsi en supposant que tout aille comme sur des roulettes, le colon devra attendre quatre mois et demi avant de prendre possession de son lot. Très probablement, le « galon rouge » aidant, le délai sera de cinq, six ou sept mois, peut-être plus encore. Quel est le pauvre diable de colon, je vous le demande, qui va entreprendre une pareille procédure ?

Et si le colon se place à côté des lots de notre spéculateur, quel est le sort qui lui est réservé ? Pendant des années, il mangera des mouches, ou plutôt les mouches le mangeront, il n’aura pas de voisins, pas de chemins. Et par son dur labeur il donnera de la valeur aux terres de son puissant rival qui se moquera de lui, de la loi et du commissaire des terres de la couronne.

Ce n’est pas un tableau de fantaisie que je fais là, c’est la triste et navrante vérité. C’est l’histoire de chaque jour, de chaque nouvel établissement. Et l’on prétend qu’il est possible de coloniser sérieusement dans de telles conditions et que la loi est faite pour protéger le colon de bonne foi ! Comme dirait M. Frs. Langelier, l’auteur des amendements de 1878, « c’est une mauvaise plaisanterie. »

Mais quel remède peut-on apporter à tous ces maux ?

D’abord, il faut faire disparaître de nos statuts les amendements ridicules qui rendent la loi lettre morte. Il faut faire une guerre sans miséricorde aux spéculateurs. Il faut protéger le vrai colon en exigeant rigoureusement que ceux qui prennent des lots les défrichent et les occupent, ou les fassent défricher et occuper par d’autres. Voilà ce qu’il est absolument nécessaire de faire sans délai si l’on veut que la colonisation, sorte de l’état de langueur où elle se trouve.

Mais il y a une réforme bien plus radicale encore qui est réclamée par tous les gens éclairés, par tous