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L’auteur de Charles et Eva, il va de soi, nous parle d’abord de lui-même et de l’été qu’il a passé au Bout-de-l’Île. C’est dans cet endroit enchanteur que le grand romancier a rencontré le petit poëte ; c’est là qu’ils ont flâné ensemble et qu’ils ont conçu le néfaste projet de publier ce volume. Pourquoi ces détails ? N’était-ce pas assez de nous infliger ce livre, sans nous faire connaître le lieu où vous avez tramé ce noir complot contre le bon sens ? Qui voudra désormais visiter l’Île d’Orléans ? Assurément, pas une seule des personnes qui liront les Premières poésies. Au reste, le nombre en sera fort restreint.

M. Marmette s’extasie devant les vers de M. Évanturel. Notre grand romancier en extase n’est pas ce qu’il y a de moins désopilant au monde.

M. Marmette trouve chez son ami toutes les qualités imaginables. Et M. Évanturel est sans doute convaincu que M. Marmette a de l’esprit. Heureux M. Marmette ; heureux M. Évanturel !

Les vers de M. Évanturel, dit M. Marmette, ont un air de contentement — est-ce que cela signifie que l’auteur a l’air content de lui ? — et de gaieté, des notes tristes et même des sanglots immortels. Enfin une infinité de choses remarquables que le lecteur superficiel n’observe pas à l’œil nu. Son cher Eudore « butine sur les fleurs, comme les abeilles », tout en se ménageant, dans l’occasion, des « élans hardis. » Par ses « allures cavalières » — et certes il en a — M. Évanturel « offre un air de parenté avec Alfred de Musset. » En effet, la ressemblance entre de Musset et Eudore doit se borner à des « allures cavalières ». Je ne connais guère de Musset, Dieu merci, mais on m’affirme qu’il a de l’harmonie, de la verve, de l’inspiration, même du génie, toutes choses qui manquent absolument à l’auteur de Crâne et cervelle.

Ce n’est pas tout. M. Marmette nous apprend que son auteur « s’efforce de se rapprocher de Theuriet, de Copée, de Sully Prudhomme et d’Alphonse Daudet. » Mais en homme prudent, il se garde bien de dire que M. Évanturel réussit dans ses efforts.