Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/124

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bras, et partit tenant ainsi embrassées ses amours : « Doux ami, où irons-nous ? demandait-elle. Je n’en sais rien, répondit-il, mais peu m’importe, puisque nous allons ensemble. »

Après avoir marché par monts et par vaux, après avoir traversé plusieurs villes et bourgs, ils arrivèrent au bord de la mer. Aucassin aperçut des marchands qui naviguaient. Il leur fit signe d’approcher, et ceux-ci lui ayant envoyé leur barque, il obtint d’eux d’être reçu dans le vaisseau avec sa mie.

Une tempête horrible qui survint les obligea de chercher un port. Mais une flotte sarrasine les attaqua, s’empara de leur vaisseau et fit prisonniers Aucassin et Nicolette. On porta la fillette dans un navire. Son ami, pieds et poings liés, fut mis dans un autre, et l’on s’éloigna.

Tout à coup une nouvelle tourmente sépara la flotte. Le navire qui portait Aucassin, ballotté pendant plusieurs jours et jeté de côte en côte, fut poussé enfin contre le château de Beaucaire. Les habitants accourus sur la rive virent, avec une bien agréable surprise, leur damoiseau. Son père et sa mère étaient morts en son absence. Ils le reconnurent pour leur seigneur et le conduisirent en pompe au château, dont il prit possession, et où il n’eut plus rien à regretter que Nicolette, sa douce amie.

Le vaisseau qu’elle montait était celui du roi de Carthage, venu à cette expédition avec douze fils, tous rois comme lui. Ravis de sa beauté, les jeunes princes la traitèrent avec respect et lui demandèrent plusieurs fois le nom de ses parents et de sa patrie. « Je l’ignore, répondit-elle. Je sais seulement que