Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/56

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souhaite la bien recevoir, ainsi que mon frère, ma sœur et toute la chevalerie qui les accompagne, j’ai voulu te charger de ces soins, et particulièrement de ceux qui la regardent. — Sire, répondit-elle, je vous ai de telles obligations que, tant que Dieu me laissera des jours, je me ferai un devoir d’exécuter ce qui pourra vous faire plaisir. »

Elle alla aussitôt donner des ordres aux officiers et domestiques. Elle-même aida aux différents travaux, et prépara la chambre nuptiale et le lit destiné à celle dont l’arrivée prochaine l’avait fait chasser. Quand la jeune personne parut, loin de laisser échapper à sa présence, comme on devait s’y attendre, quelque signe d’émotion, loin de rougir des haillons sous lesquels elle se montrait à ses yeux, elle alla au-devant d’elle, la salua respectueusement, et la conduisit dans la chambre nuptiale. Par un instinct secret, dont elle ne devinait pas la raison, elle se plaisait dans la compagnie des deux enfants : elle ne pouvait se lasser de les regarder et louait sans cesse leur beauté.

L’heure du festin arrivée, lorsque tout le monde fut à table, le marquis la fit venir et lui montrant cette épouse prétendue, qui à son éclat naturel ajoutait encore une parure éblouissante, il lui demanda ce qu’elle en pensait. « Monseigneur, répondit-elle, vous ne pouviez la choisir plus belle et plus honnête ; et si Dieu exauce les prières que je ferai pour vous tous les jours, vous serez heureux avec elle. Mais de grâce, Sire, épargnez à celle-ci les douloureux aiguillons qu’a sentis l’autre. Plus jeune et plus délicatement élevée, son cœur n’aurait peut-être pas la force de les soutenir : elle en mourrait. »