Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/69

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se prosternèrent toutes pour lui lécher les pieds et rentrèrent dans leur tanière. Quel soupir de soulagement poussa maître Queux !

Au sortir de la forêt, se présenta une vallée si obscure, si profonde et si noire que le plus vaillant chevalier n’eût osé y entrer sans frémir. La mule s’y engagea sans s’inquiéter de son cavalier qui tremblait comme la feuille. Et ce n’était pas sans motif. De toutes les fentes du roc s’échappaient des scorpions, des dragons et des serpents qui sifflaient en vomissant des flammes. Ces flammes jetaient seules quelque lueur dans les profondeurs de la vallée. Tout autour du pauvre sénéchal, les vents déchaînés mugissaient, des torrents grondaient comme le tonnerre, des montagnes s’écroulaient avec un fracas horrible. Aussi, quoique l’air fût plus glacial qu’en Islande, la sueur ruisselait sur tout le corps de maître Queux. Il franchit pourtant la vallée, grâce à sa monture, et commençait à respirer. Mais voici que devant eux, à la limite d’une grande plaine déserte, se présente une rivière large et profonde, où l’on ne voyait ni pont ni bateau. Au-dessus des eaux noires, entre deux rochers escarpés qui bordaient les deux rives opposées, s’allongeait le tronc arrondi d’un grand sapin. Queux ne put se décider à s’aventurer sur ce pont. Il renonça donc à l’aventure et revint sur ses pas l’oreille basse. Hélas ! il fallait repasser par la vallée et la forêt. Les serpents et les lions semblaient se moquer de lui, ce qui ne les empêchait pas de s’élancer sur lui avec une espèce de joie, et ils l’auraient dévoré mille fois, s’ils avaient pu le jeter à terre sans toucher à la mule.

Dès qu’il approcha du château, les guetteurs qui