Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/90

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qui ne s’honorât de l’épouser. Déjà plus d’un gentilhomme puissant est venu me solliciter à ce sujet ; mais rien ne me presse, j’attendrai un parti convenable, et je ne veux point surtout de ces chevaliers qui, comme leurs faucons, ne vivent que de proie. »

Guillaume, confus, n’eut pas la force de répondre, il alla se cacher dans la forêt, où il employa le reste du jour à se désoler, en attendant que les ténèbres lui permissent de se rendre à la poterne. Nina s’y rendit aussi de son côté ; et ce fut alors qu’éclatèrent des sanglots douloureux. « Recevez mon dernier adieu, s’écria le chevalier ! c’en est fait, il n’est plus de bonheur pour moi dans cette contrée, et il faut que je la fuie, puisque je ne puis devenir votre époux. Maudites soient à jamais les richesses qui me font perdre tout ce que j’aime. — Hélas ! je m’applaudissais de les posséder pour pouvoir vous les offrir, répondit la tendre Nina. Faut-il que le sort me réduise à les maudire aussi ! Mais, mon cher Guillaume, ne désespérons pas encore : il nous reste une ressource que depuis longtemps a prévue ma tendresse ; vous avez près d’ici, à Médot, un vieil oncle de l’âge de mon père et son ami d’enfance ; si vous lui êtes cher, comme je ne puis en douter, allez le trouver et lui confiez le secret de notre amour : sans doute il a aimé dans son jeune âge ; il aura pitié de nous. Dites-lui qu’il peut faire mon bonheur et le vôtre ; je ne lui demande pour cela qu’un service simulé ; c’est de vous céder, pendant quelques jours seulement, trois cents livres de rentes sur sa terre ; qu’il vienne alors me demander pour vous à mon père : il m’obtiendra de son amitié, j’en suis sûre ; et dès que nous serons unis,