Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/92

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penser. Elle ne rentra dans sa chambre que pour se désoler, pour maudire mille fois la trahison du perfide vieillard, pour appeler à son secours le malheureux Guillaume. Pendant ce temps, il travaillait à la mériter en se couvrant de gloire à Galardon, et il était bien loin d’imaginer que par une noirceur abominable son oncle la lui enlevait en le déshéritant. Le soir, elle courut à la poterne, car elle ignorait qu’il fût au tournoi ; mais après avoir attendu longtemps sans le voir paraître, elle se crut abandonnée.

Le jour fatal venait d’être fixé par les vieillards au surlendemain. Le futur avait demandé que le mariage et la noce se fissent en son château de Médot. En conséquence, il fut réglé que, pour arriver de bonne heure, on partirait au point du jour ; et, en attendant, le gendre et le beau-père envoyèrent dans tout le voisinage inviter leurs amis, c’est-à-dire ceux des gens de leur âge qui vivaient encore. Le lendemain arrivèrent, les uns après les autres, ces barbons au corps décrépit, au front ridé, à la tête chauve et tremblante. Jamais ne se vit assemblée de noce plus burlesque. Vous eussiez cru qu’ils venaient tous, avant de partir pour l’autre monde, se dire le dernier adieu.

La journée fut employée à préparer les ajustements et la parure de la triste mariée. Elle étouffait intérieurement de douleur, et se voyait obligée pourtant de dévorer ses larmes et d’affecter un visage tranquille. Le père venait de temps en temps examiner si l’ouvrage avançait. Dans une de ces visites, quelqu’un lui demanda s’il avait songé à faire venir suffisamment de chevaux pour conduire à Médot toutes les personnes qui devaient s’y rendre. « Les hommes ont les leurs