Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/250

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couvrait la moitié du côté bas du pont. Je n’avais pas encore peur, mais je regardais tout de même du côté de la terre, où je ne distinguais qu’un grand cercle de montagnes et la pointe de l’Estérel qui se perdait dans l’eau. Un peu plus près, j’apercevais les îles de Lérins, qui ne formaient plus qu’une tache brune au milieu de cet immense miroir que le soleil rendait tellement brillant qu’on en était ébloui.

À 8 heures, nous rentrions au port de Cannes avec la brise nécessaire pour ne pas ramer. Sur le quai, le capitaine Pierruque attendait mon maître pour le complimenter sur la belle allure de son cotre. Lui aussi avait été au large des îles et il nous avait vus. Mon maître l’écoutait en souriant, il était ravi de sa promenade. En rentrant au salon, il dit : « Je suis enchanté de ma journée, cela a merveilleusement marché. »


Le lendemain 29 juillet, j’accompagne mon maître à Nice. Il va voir sa mère, Mme de Maupassant, qui habite maintenant villa des Ravenelles, rue de France. Cette maison n’a qu’un étage, mais elle est bâtie sur une hauteur et domine la pleine mer. Avec ce bel horizon, bien dégagé, c’est un endroit de repos et de tranquillité. En arrivant, nous voyons dans le jardin une fillette de quatre ans, aux cheveux blonds tout bouclés, retenus seulement par un mince ruban. Ses yeux sont d’un bleu brillant et doux, son joli teint blanc est légèrement rosé elle est exquise ; elle est la nièce et la filleule de mon maître ; elle s’amuse à pousser devant elle une voiturette en bois. Son l’oncle l’appelle, elle vient gentiment lui dire bonjour, et vite retourne à son jeu, se place entre les deux brancards et suit en courant un petit chemin qui contourne une partie du jardin… Nous arrivons à la maison ;