Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/95

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elle est maigre ! Tenez, nous garderons cette petite qui a trois couleurs, je crois, qu’elle sera aussi jolie que la mère ; nous l’appellerons Pussy. » Puis, retournant au salon, il se mit à siffloter, ce qui était rare chez lui, car en dix ans je ne l’ai entendu siffler que trois fois.

Le jour de la partie de canotage est arrivé. Je prends les ordres :

« Je suis bien entraîné, me dit-il, et — me faisant voir ses bras — il y a de la force là dedans et c’est naturel, j’ai tant canoté et tant fait d’exercices physiques de toutes sortes ! Malgré cela, mes mains ne se sont pas développées ; elles sont toujours même restées plutôt petites, mais cela n’empêche pas la force, quand je tiens un objet, je le tiens bien.

« Dans ma poitrine aussi il y a du souffle et de la résistance, choses que n’ont pas tous ces canotiers d’occasion. Je suis tout prêt à le leur prouver, s’ils veulent se mesurer avec moi ; mais j’en doute… Vous ne me monterez l’eau pour ma douche qu’à 7 heures ; surtout qu’elle soit bien froide, car il est certain que j’aurai chaud. Vous me ferez un déjeuner léger, mais consistant : deux œufs à la coque, un filet grillé, des haricots verts, fromage de gruyère, thé bien chaud. »

Au moment de déjeuner. Monsieur alla voir le grand amiral de Chatou, Alphonse Fournaise. Tout était prêt, les quatre bateaux étaient alignés ; c’étaient : le Bon-Cosaque, Monsieur, Madame et Bel-Ami.

Vers 2 heures. Monsieur partit habillé de neuf : culotte, maillot et une magnifique casquette blanche. En sortant, il se frottait les mains : « J’ai du très bon suif en ce moment… », dit-il gaiement.

Il était plus de 6 heures quand il rentra ; il avait la figure décomposée, avec des plaques violettes ; il me