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UNE CHRONIQUE D’AMOUR.

Aux doux rêves du soir n’offrent plus leur abri.
Elle aima ! quel pouvoir l’en aurait pu défendre ?
C’est Lui qu’elle aime ! Lui qui voit sans y prétendre,
Tous les yeux s’animer, tous les cœurs tressaillir,
Tous les fronts se parer d’une rougeur nouvelle,
Et toute belle joue en devenir plus belle,
Hors une seule, hélas ! qui ne sait que pâlir.

Pauvre cœur ! qui, peu fait aux douloureuses crises,
Au premier battement qui t’agite, te brises !…
Pauvre fille ! qui n’as ces lèvres, ni ces yeux
Pour qui le jeune amant échangerait les cieux !…
Malheur !… tu vas subir cet amour implacable,
Cet amour sans merci pour l’âme qu’il accable ;
Qui, loin de s’apaiser du calme de la nuit,
Arrache à son repos le paisible minuit !
Qui dans la foule immense aperçoit un seul être ;
Qui de ses pas confus n’écoute qu’un seul pas ;
Qui d’un brillant concert n’aime et n’entend peut-être
Qu’un accent, qu’un soupir, qu’il répète tout bas ;
Qui ne cherche, en tournant les pages du poète,
Qu’un seul mot, qui réponde à sa douleur muette !
Malheur !… car n’est-ce point un malheur sans retour,
Que, dans un cœur si faible, un si puissant amour ?

Que de fois, au milieu d’une fête brillante,
Seule, à l’écart, fuyant et la foule bruyante,
Et ces mille flambeaux, et leur éclat moqueur,
Qui lui semble insulter aux peines de son cœur,
Oubliée, et bientôt s’oubliant elle-même,