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LA MER.

Demandez au fardeau qui ralentit mes pas
Faits pour atteindre un but qu’ils ne toucheront pas !

Vous qui vibrez encor dans mon âme oppressée,
Bruits tonnans de Juillet, qu’elle traîne après soi,
Du sang de nos martyrs, trace à peine effacée,
Laissez, au gré des flots, s’endormir ma pensée,
Laissez, ô laissez-moi !

Je veux oublier tout, oui tout pour la soirée
Où monte de l’été la plus haute marée.
Entendez-vous des sons étranges, inconnus,
Du profond de l’abîme à la terre venus ?
C’est elle, c’est la mer, qui toute frémissante,
Semble toucher les cieux de sa hauteur croissante.
Écoutez sur le roc ses coups égaux et sourds,
Pareils aux coups lointains du canon des trois jours.
Qui ne la connaît pas, la dirait en colère :
Tel menace et rugit l’océan populaire !
Mais sans frein apparent, ce courroux solennel,
À son heure marquée et son but éternel !
Cependant, pauvre barque, il te brise au passage,
Et charrie en jouant tes débris sur la plage !…
Humble fortune, hélas ! détruite en peu de coups,
Sans même avoir valu l’effort de son courroux !…

Insupportables cris des intérêts serviles,
S’arrachant les lambeaux de l’éternelle loi ;
Vains débats des partis, bruits oiseux de nos villes,
Écho toujours grondant des discordes civiles,
Laissez, ô laissez-moi !