Page:Tastu - Poésies nouvelles, 3ème édition, 1838.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
193
LA MER.

Et vous, parleurs sans fin, fabricateurs de lois,
Occupés à compter et recompter vos voix,
Du haut de la tribune, entre des fronts livides,
Vous pourrez sur vos bancs compter les places vides !
De privilèges point, elle se prend à tout ;
D’asile, de remparts, point, elle entre partout ;
Dépeuplant sans pitié les obscures mansardes,
Elle franchit les seuils environnés de gardes,
Sans respect : des palais le royal escalier,
À son pied redoutable est déjà familier !…
Et pourtant pas un cœur prêt à la voir paraître !
Moi-même, moi, qui sait ? je l’attendrai peut-être,
Murmurant à voix basse un chant frivole ou vain,
Sur ma lèvre entr’ouverte interrompu soudain !…

Hélas ! m’enviez-vous l’heure qui m’est donnée,
Souvenirs pleins de trouble, avenir plein d’effroi ?
Au fond de cette coupe, à ma soif destinée,
Laissez donc retomber la lie empoisonnée,
Laissez, ô laissez-moi !