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LES DIEUX S’EN VONT.


Nos vieux palais et nos temples antiques
Se sont ils donc écroulés en débris,
Pour enhardir quelques pâtres rustiques
À s’en bâtir d’éphémères abris ?
Quoi ! pour tout fruit, cette immense ruine
Nous laissera les bouges qu’ils refont ;
Œuvre sans art, chancelante, mesquine,
Que le vent sape et que la vague mine ?…
Les dieux s’en vont !

Préoccupé de sa terrestre tâche,
D’autres besoins l’homme est peu soucieux ;
À la pâture attaché sans relâche,
Nul n’a le temps de regarder les cieux.
Tous n’ont qu’un vœu, qu’un but, qu’une conquête :
L’or, qui peut seul payer tout ce qu’ils font ;
L’or ! à ce prix tout se vend, ou s’achète ;
Oui, tout hélas ! jusqu’aux chants du Poète !…
Les dieux s’en vont !

Libre bientôt et de crainte et de doute,
Chacun de nous élira le plaisir
Pour guide unique, et d’instinct faisant route,
Abdiquera le souci de choisir.
« Voyez, dit-on, à mille assauts en butte,
» En vains efforts la vertu se morfond !
» Pourquoi risquer une pénible lutte ?
» Vautré par terre on ne craint point de chute ! »
Les dieux s’en vont !