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DANTE.

Ces fruits prodigieux du monde intelligent,
Que ne voit point mûrir notre ciel indigent ;
Là, tous les arts, ailleurs solitaire conquête,
Unissent leurs festons sur une seule tête,
Comme l’arbre soumis aux puissantes chaleurs
Donne à la fois ses fruits, son feuillage et ses fleurs.

Pour gravir après toi la montagne sacrée,
Dante, il faut imiter ta marche mesurée,
Et ne lever le pied, pour faire un nouveau pas,
Qu’après avoir d’abord affermi le plus bas :
Sur les degrés polis de cette route sainte,
Un ciseau merveilleux a laissé son empreinte ;
À chaque son divin ; par l’esprit entendu,
Comme un sonore écho le vers a répondu.
Quel art nous apprendrait sa musique profonde ?
C’est l’herbe qui frémit, c’est l’ouragan qui gronde ;
C’est l’aigle, au vol altier, dont l’aile bat les airs ;
La chute du torrent, ou la plainte des mers ;
Ou plutôt c’est ainsi, sous la joie on la peine,
Que vibre ce divin instrument : l’âme humaine !
C’est le chant d’une mère à son fils endormi ;
C’est le cri d’un ami qui revoit son ami ;
C’est l’accent enflammé d’une ardente prière ;
C’est le soupir amer qu’étouffe une âme fière,
Quand, du poids de l’exil contrainte à se charger,
Son pied monte, ou descend l’escalier étranger.

Mais pour chanter ainsi, c’est ainsi qu’il faut croire
En son Dieu, son parti, son génie ou sa gloire !