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PEAU-D’ÂNE.


Un fiacre suit, qui la couvre de boue,
Landaw, charrette, omnibus, phaétons
Roulent sans fin, s’entre-croisent sans cesse :
Or, si, d’après la loi de la vitesse,
Le dîner croît, hélas ! pauvres piétons !

Il est trop vrai, le but, l’unique centre
De nos travaux, de la hutte aux palais,
Par qui, pour qui tout se fait, où tout entre,
C’est… demandez à maître Rabelais !
Combien surtout cette loi pèse et blesse
Quand on est femme, et qui plus est princesse :
Qu’en un corps faible on porte un cœur altier
Êtres oisifs qui sont, de leur nature,
Un peu parens des lys de l’Écriture !
Si bien vêtus, sans savoir un métier !

Dans ce chaos, d’abord effarouchée,
Peau-d’Âne eut peur ; avant ce jour, jamais
De telles gens ne l’avaient approchée.
Mais tant d’orgueil est de trop désormais !
Confonds aux flots de la foule étrangère
Ton port royal, ta démarche légère ;
Au sol boueux accoutume tes pas ;
Oublie, ainsi le veut la loi fatale,
Jusqu’aux doux sons de ta langue natale :
On rit ici de ce qu’on n’entend pas.

Au joug de fer sa tête s’est ployée ;
Son pied léger désapprend les tapis ;