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PEAU-D’ÂNE.


Que feras-tu, pauvre désabusée,
De ce trésor que tu croyais sans prix ?
A tous les yeux ta richesse exposée
S’évanouit au souffle du mépris.
Ce sont toujours les châteaux de Morgane ;
Tableaux changeans, prestige, que Catane
Parfois admire au miroir de ses mers ;
Crottes, palmiers, jardins, châteaux sans nombre.
Puis après, rien ! rien qu’un vide plus sombre,
Un bruit plus triste, et des flots plus amers !

Mais à l’arrêt Peau-d’Ane aussi rebelle
Que Galilée en son cachot obscur,
Disait tout bas : « Et pourtant elle est belle ! »
Les yeux fixés sur sa robe d’azur.
« Mais qu’est-ce, au fait, qu’un vêtement de femme
» Privé d’un corps ? C’est le corps privé d’âme ! »
Disant ceci, la belle y passe un bras
D’abord, puis l’autre, et ce jeu la console.
Quoi, dira-t-on : un plaisir si frivole ?…
Je m’en rapporte aux femmes en ce cas.

De près, de loin, la robe est admirée,
Et le miroir, qu’elle interroge encor,
Dit que jamais le bleu de l’empyrée
Ne fut plus beau, ceint de nuages d’or.
De fraîches fleurs, complétant sa parure,
Ornent sa tête, embaument sa ceinture ;
Hélas ! malgré ce luxe de printemps,
Ses mains pendaient l’une à l’autre enlacées,