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TROISIÈME JOURNÉE.

— Était-ce un rêve ? ou s’est-elle envolée ?…
On la cherchait… elle était déjà loin.

Le cœur atteint d’une douleur profonde,
Dans la retraite aime à cacher son deuil ;
Mais que plus vite encore on fuit le monde
Au moindre échec qui touche à notre orgueil !
Peau-d’Âne ainsi, renonçant à la ville,
Courait aux champs. Point de trop humble asile
De toit trop vil, de lieu trop écarté,
Pour y cacher son obscure existence…
Oh ! que souvent l’esprit de pénitence
N’est, vu de près, qu’esprit de vanité !

Un air humide, un vent froid, un ciel sombre,
En l’attristant, allongeait son chemin :
Lasse et pensive, elle s’assit dans l’ombre,
Le coude en terre et le front sur sa main.
Quel trait soudain vient luire à sa mémoire !
Elle a perdu sa baguette d’ivoire,
Dernier recours à son malheur ôté.
Ce châtiment de la fée indignée
À le subir la trouva résignée,
Disant tout bas : Je l’ai bien mérité !

Le jour naissait : son cœur gros d’amertume,
Pour un moment soulagé de son poids,
Se plut aux jeux du soleil dans la brume,
Sur les gazons, ou le front nu des bois,
Qui, tout confus d’être encor sans feuillage,