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PEAU-D’ÂNE.

Ne dites point que Peau-d’Âne était folle
De se coiffer d’un mérite pareil :
L’amour bâtit sur un terrain frivole ;
Un ciel trop pur sied mal à son soleil ;
Il s’agrandit dans la brume trompeuse,
Il jette aux flancs de la nue orageuse
Son arc-en-ciel aux magiques couleurs.
Nous poursuivons la radieuse image ;
Mais la merveille, hélas ! n’est qu’un nuage
Qui fuit au vent, ou se dissout en pleurs !

La pauvre enfant dans une attente vaine,
Passe les jours sur les bords du chemin,
Passe les soirs à déplorer sa peine,
Passe les nuits à répéter : Demain !
Que de regrets, dans son âme éperdue,
Causait alors sa baguette perdue !
« — Si je l’avais, moins malheureuse, hélas !
Loin de ses yeux, je pourrais, en cachette,
Me consoler du regard qu’il me jette ! »
Remarquez bien qu’il ne la voyait pas.

Mais ce jour-là, sur son coursier, prés d’elle
Il a passé. C’est tout que de le voir !
Près d’un étang, miroir calme et fidèle,
Parmi les joncs, triste, elle vint s’asseoir.
L’écho, frappant son oreille chagrine,
Lui renvoyait, de colline en colline,
L’aboi des chiens et le pas des chevaux.
Penchée alors sur l’humide rivage,