Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/68

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causes de trouble de mes facultés intellectuelles, et ce trouble mental serait tellement profond qu’il durerait de longues années ?… En vérité, avancer cela, c’est se moquer du public. Combien de malheureuses ouvrières, lors d’un travail pressé, passent plusieurs nuits blanches, complètes, sans que ces veillées consécutives amènent le moindre désordre dans leur cerveau ! Le résultat, au contraire, est que ces pauvres femmes ont quelque difficulté ensuite à reprendre l’habitude de leur sommeil régulier.

Il est prouvé, d’autre part, que le sommeil coupé, loin d’affaiblir l’esprit, lui donne une plus grande lucidité. Des écrivains, travaillant à une œuvre où ils mettaient toute leur âme, ont employé ce procédé avec succès : dormir leur temps normal, mais en faisant interrompre leur sommeil à deux ou trois reprises, le cerveau étant toujours mieux dispos au moment du réveil. On cite des hommes de génie qui avaient pris ce procédé pour règle. C’est aussi la règle dans divers ordres religieux : réveil au milieu de la nuit, sommeil interrompu pour la prière commune à la chapelle du monastère.

Que l’on examine sérieusement, et non en fantaisiste, le régime de mes trois jours de préparation à ma présentation à Lucifer : la diminution de nourriture et de sommeil est réglée de façon à ne produire aucun affaiblissement du corps ni de l’esprit ; je n’ai absorbé d’une manière ou d’une autre, aucun narcotique ; l’alimentation et la boisson prises, loin de m’alourdir, me dégagèrent l’estomac et le cerveau. Je me suis trouvée ainsi dans les meilleures conditions de lucidité.

Si j’ai chancelé en me rendant au Sanctum Regnum, ce n’est nullement par suite de faiblesse, mais par l’effet de l’émotion, ainsi que je l’ai dit… Et quelle émotion toute naturelle, en pareille circonstance !… Pour juger comme il convient, il faut se représenter la pensée qui me dominait alors : j’allais contempler face à face celui que je croyais être le Dieu-Bon, j’allais le voir paraître devant moi, il en avait donné la promesse ; j’allais l’adorer visible, lui parler et l’entendre. Qui n’aurait pas été ému à l’approche de ce solennel moment ?…

Enfin, tout mon récit est net, les détails utiles ne manquent pas. Or, des rêves d’ivresse par le haschisch et autres préparations analogues, il ne reste, on le sait, que souvenirs confus. Le fumeur d’opium, l’amateur de haschisch sortent de leur sommeil peuplé de visions fantastiques, les membres brisés, dans un état d’hébêtement qui ne se dissipe que peu à peu.

À la première période d’une hallucination de cette sorte, l’individu qui a pris la funeste drogue ne dort pas ; son excitation se traduit par