Page:Taxil, Mémoires d'une ex-palladiste parfaite, initiée, indépendante.djvu/87

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robuste, d’une santé vigoureuse ; son visage était empreint d’une douceur des plus accueillantes. Il regardait la divine hostie, en l’élevant, avec une expression d’amour enthousiaste.

Je me demandais : — Quel est ce saint ? — Mais la voix mystérieuse ne murmura aucun nom à mon oreille.

Enfin, le ministre de Dieu abaissa ses yeux vers moi ; il eut un regard de bienveillance et d’encouragement, et me dit

— C’est pour les hommes que Notre Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu et Dieu lui-même, a institué l’auguste sacrement de l’Eucharistie… Crois !…

Alors, j’entendis comme un concert des plus harmonieux, une symphonie magnifique, idéale. Oserai-je l’écrire ? Je crois avoir ouï, dans ce sommeil, la musique des anges.

Dès les premières mesures, une émotion indéfinissable me saisit. C’est une sérénade divine, à la fois d’une sérénité exquise, inaltérable, et d’une sensibilité chaude, d’un charme attendri. Aucun terme ne peut rendre l’effet de ces sonorités impressionnantes, captivantes, que l’oreille humaine n’a jamais entendues.

Dans un bercement de suaves périodes, les accents du chœur angélique circulent, de la première à la dernière note ; et quel accents ! Ce sont les chérubins, les séraphins, qui expriment, tantôt avec une grâce naïve, élégante, tantôt avec un éclat incomparable, une allure fière et majestueuse, toute la grandeur, toute la magnificence de leur amour pour le Créateur.

Il y a, dans ces modulations ornées d’une mélodie des plus nobles, revêtues d’une harmonie étincelante, dans cet ensemble puissant et varié, aux effets à la fois troublants et enchanteurs, il y a là, sous le souffle d’une inspiration surnaturelle, l’idéal d’un art qui est une des splendeurs de l’au-delà, la suprême expression du génie céleste. Accents merveilleux, langue des saints, trop belle pour les hommes, cette musique est l’épanouissement harmonieux le plus complet des sentiments de l’adoration des anges, jouissant, dans l’éternité, du bonheur de contempler Dieu.

Non, le style le plus riche ne saurait trouver une phrase pouvant dépeindre l’état d’une âme, au moment où, par un sens intérieur, vibrant sous l’action du rêve divin, elle perçoit les accords d’une telle symphonie.

Et, au milieu de ce concert, je vis des anges apparaître et entourer le bon prêtre, qui tenait toujours dans ses mains l’ostensoir ; ils le soulevèrent doucement sur leurs ailes et l’emportèrent au ciel, pendant que résonnaient encore les harpes invisibles.