Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/106

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Des Brahmavanis, qui sont des patriotes combattant loyalement les conquérants avides et odieux, leur tenant tête, à visage découvert, je n’ai rien à dire, sinon qu’ils sont souvent, dans leurs insurrections, des héros admirables ; et j’en arrive tout de suite aux Fakirs, dont un grand nombre s’immolent à Brahma-Lucif ; ceux-ci sont les plus intéressants à connaître, les plus curieux à étudier.

Le Fakir de l’Inde est, en réalité, un personnage énigmatique, qui semble violer toutes les lois de la nature. Sa caractéristique est surtout de ne rien faire de ce que fait le commun des mortels. C’est un rebours. [illisible]Il ne boit, ni il ne mange, ni il ne dort ; il ne vit pas ; il est dans une perpétuelle contemplation, une constante absorption ; la médecine le constate, mais n’a point réussi à l’expliquer.

Il a commencé par être jongleur, ou, pour mieux dire, escamoteur, bateleur forain ; puis, il est devenu kami, c’est-à-dire qu’aux escamotages vulgaires il a eu le droit de mélanger quelques jongleries d’ordre supérieur ; enfin, il est parvenu au grade de Sâta, c’est-à-dire qu’il peut maintenant, en vertu des conjurations rituelles qu’il prononce, se livrer à des sortilèges, des évocations et des actes en contradiction avec les lois de la nature. Il y a chez lui, dans cette initiation progressive, quelque chose de ce qui se passe chez le Brahme, qui, au premier degré, ne peut ni entendre ni lire la doctrine, qui, au second degré, l’entend, mais ne peut la lire, qui, au troisième, la lit, mais ne l’enseigne pas, et qui, enfin, au quatrième degré seulement, peut tout faire, lire et enseigner. Mais, il existe, entre le Brahme et le Fakir, une différence capitale. Le Brahme est le prêtre de la religion nationale indienne. Le Fakir, lui, est, en quelque sorte, le moine d’une religion secrète ; longtemps, il a dérouté les écrivains qui ont étudié l’Orient ; tel auteur le donne pour un religieux mahométan, vivant d’aumônes, et c’est qu’en effet, dans certaines contrées où l’islamisme domine, les fakirs paraissent, par quelques pratiques extérieures, se rattacher à la religion de Mahomet ; tels autres auteurs croient et écrivent que le fakirisme est une secte particulière inféodée au brahmanisme, parce que, dans les pays indiens, bon nombre de fakirs laissent entendre que Brahma est vénéré par eux. Ces écrivains se sont laissé tromper par des apparences. Le fakirisme, je ne saurais trop le répéter, constitue une société secrète religieuse ; c’est une variété du satanisme ; c’est le gnosticisme oriental. De même que, dans les pays protestants, les lucifériens se donnent plus ou moins ouvertement comme adhérents au socinianisme, de même les fakirs ont une doctrine occulte, une religion spéciale mystérieuse, qu’il est impossible de connaître si l’on n’a pas pénétré dans leurs assemblées secrètes.

À Calcutta, je ne manquai pas de me rendre, dès le jour même de mon