Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/134

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restaurateurs de l’ordre naturel de toutes choses, nous condamnons l’improductif, et c’est pourquoi, Seigneur, nous t’immolerons le vivant emblème de ton éternel ennemi. Que ce sacrifice, précédant la reconnaissance conjugale de tes créatures que je vais bénir et unir en ton nom, attire à tous mes frères qui sont ici dans cette assemblée et à moi-même les faveurs célestes, les joies de l’amour divin, la prospérité sur cette terre, et, après la mort, toutes les félicités immatérielles réservées à tes élus. »

D’un coup de couteau, il égorgea alors l’agneau, en disant :

« — Agneau, dont les prêtres d’Adonaï ont fait le symbole de la stérilité élevée par eux au rang de vertu, je t’immole à Lucifer… Agneau impuissant, en qui sont accumulés mystiquement tous les forfaits dont les prêtres d’Adonaï ont souillé le monde depuis leur domination, je t’immole à Lucifer… Agneau maudit, que les prêtres d’Adonaï vénèrent comme représentant en image le traître Jésus par nous exécré, je t’immole à Lucifer… Que ton sang, versé dans ce sanctuaire, comme sera versé le sang des coupables au jour du châtiment, coule en signe d’expiation, afin que le Père bien-aimé nous accorde à jamais sa protection toute-puissante et donne ainsi aux hommes purs la paix féconde et la liberté ! »

Il ajouta, s’adressant à l’assistance :

« — Que la paix de Lucifer soit avec nous !

« — Comme elle est au séjour de ses esprits ! » répondit l’assemblée.

Le grand-maître, prenant d’une main un goupillon et de l’autre un anneau d’or, remit celui-ci au singe ; quant au goupillon, il le trempa dans la large plaie béante de l’agneau égorgé. Puis, tandis que le singe passait l’anneau nuptial au doigt de la guenon, le grand-maître officiant aspergea le couple ignoble et grotesque avec le sang de l’agneau.

Enfin, il remonta à l’autel, rompit en de nombreux fragments le gâteau qui lui avait servi tout à l’heure à parodier l’offertoire, et la parodie de la communion eut lieu. Les maîtres des cérémonies distribuèrent à tous les assistants les morceaux de galette, que nous croquâmes incontinent. Les deux singes, qui en eurent leur part, s’en régalèrent, cela va sans dire, grignotant avec avidité.

« — Ite, missa est Dei Luciferi ! » fit l’officiant.

Le couple simiesque fut reconduit au dehors par deux chevaliers experts. La comédie sacrilège était terminée.