Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’autel du Baphomet, abrité sous le vaste baldaquin dont je viens de parler, ressemblait à un autel d’église catholique ; il y avait même un tabernacle, dont la porte reproduisait, en miniature, celle de l’entrée, avec ses deux colonnes latérales sur lesquelles on voyait les lettres J et B, et au milieu de la porte du tabernacle, la lettre M. À droite, un chandelier d’argent avec une bougie de cire noire, allumée ; à gauche, un chandelier semblable, mais avec une bougie de cire blanche, également allumée. Sur l’autel, trônait le Baphomet ou Palladium, ressemblant exactement à celui de Calcutta, moins les serpents. Au-dessus de l’idole, on apercevait, brodé sur la draperie du fond, l’aigle à deux têtes, emblème de l’autorité maçonnique suprême, dominé par un triangle entouré de rayons ayant la pointe du milieu dirigée en bas, c’est-à-dire un triangle renversé, au centre duquel on lisait le chiffre 33. Il n’est pas inutile de rappeler ici la signification de ce chiffre : il est là pour rappeler l’âge du Christ, quand il fut mis à mort ; c’est aussi à raison de ce nombre que le premier Suprême Conseil du globe a été établi à Charleston, ville située au 33e degré de latitude, et que le rite écossais a été créé en 33 degrés. N’oublions pas de dire que, là comme partout, l’aigle à deux têtes tenait entre ses serres un glaive auquel était accrochée une banderole portant l’inscription : Ordo ab Chao.

Au fond, de chaque côté de l’autel du Baphomet et en dehors du baldaquin rouge, il y avait un des deux tableaux que j’ai déjà décrits : à gauche, la parodie sacrilège de la mort du Christ, et à droite, le jeune homme planant dans les airs, semant la fécondité sur la terre ; dans ce dernier tableau, le jeune homme est appelé Éblis, qui est le nom servant à masquer la personnalité de Lucifer dans les légendes débitées en loge de la maçonnerie ordinaire.

À l’estrade, le grand-maître et la grande-maîtresse siégeaient, un peu au devant de l’autel, mais séparément, chacun de son côté, lui à gauche, elle à droite. Ils étaient assis dans des fauteuils superbes, qu’on qualifie de trônes, richement sculptés, avec des dorures. Chacun d’eux avait devant soi une colonnette terminée par un plateau, à la hauteur du coude de la personne assise : sur l’un de ces plateaux, le maillet du président ; sur l’autre, devant la grande-maîtresse, par conséquent, un petit poignard et un livre ouvert (constitutions et règlements du rite). L’emplacement de la présidence et, en même temps, de l’autel du Baphomet, était exhaussé seulement de deux degrés sur l’estrade.

Le grand-maître, nommé le frère Spencer, négociant de la ville, portait, pour insignes, le cordon blanc du 33e degré du rite écossais, en écharpe, de l’épaule gauche à la hanche droite, et, en outre, en camail, le cordon noir, en soie moirée, à liseré blanc en bordure, du rite palla-