Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/257

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vait pas la moindre douleur, et elle s’abat tranquillement toute en feu sur le cadavre de son époux. La mort par brûlures, ou par suffocation provenant de la fumée âcre qui se dégage, n’arrive guère qu’au bout de cinq à six minutes. On juge quel supplice affreux ! et cela, sans un pleur, sans un cri, sans un gémissement. C’est le mépris absolu de la mort et de la souffrance.

Ce que je dis là est chose connue, bien connue, autant d’ailleurs que la façon stoïque et méprisante de mourir des Arabes, des Cochinchinois et des Chinois.

Le journal l’Illustration a publié dernièrement, à ce sujet, un dessin des plus typiques : il reproduit la photographie d’une exécution capitale en Chine ; et l’authenticité du document est parfaitement certifiée.

Autour du patient agenouillé, tous les mandarins et la foule forment un cercle, au centre duquel est le bourreau debout à côté du condamné.

Je ne sais rien d’aussi caractéristique que cette photographie. Voyez la ; examinez la direction des yeux de tous les personnages présents à cette scène. Les assistants regardent quoi, qui ? le bourreau, le condamné ? Vous n’y êtes pas. Tous, et le condamné, le beau premier, regardent, avec un intérêt concentré, l’appareil braqué par le photographe, qui a en l’autorisation de prendre un instantané de l’exécution, au moment où le bourreau abaisse son bras, où le glaive étincelle, où la tête va tomber.

Que l’on observe bien, répèterai-je, la direction des yeux de tous ces personnages ; il n’y a pas d’erreur possible.

Comment trouvez-vous cela ? Le public d’une exécution capitale haletant après un photographe ! et le condamné lui-même se moquant du supplice comme d’une guigne, pour regarder, non le bourreau avec crainte, mais avec intérêt et curiosité le photographe !… Et cependant ce condamné n’a pas perdu la notion du sort qui l’attend à l’instant même ; car, dans la façon dont il tourne la tête, il tend d’instinct le cou pour faciliter l’œuvre du bourreau.

La conservation de la vie est, chez ces gens-là, une chose des plus indifférentes ; pour eux, mourir est un jeu.

Et, puisque je suis sur ce chapitre, je vais raconter un fait qui m’est absolument personnel et qui est vraiment stupéfiant.

J’avais eu l’occasion de soigner le tao-taï d’une petite ville des environs de Canton, que j’avais eu comme passager. Pour reconnaître mes soins, il me demanda ce qu’il pourrait bien faire pour moi. Je lui racontai que je m’occupais d’anthropologie, lui expliquant que c’était l’étude de l’homme, et que je serais bien aise qu’il me procurât, si toutefois cela lui était possible, quelques crânes de Chinois, précisément de la