Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/262

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Vatican de la religion luciférienne ; je voulais aussi constater la pratique du palladisme en Europe.

Heureusement, j’avais sur moi, — et ce fut ce qui me décida à tout braver encore, — un gage béni de la protection suprême qui m’était nécessaire ; je veux parler de cette petite médaille indulgenciée de Saint-Benoit, que le bon abbé Laugier m’avait remise au moment de mon départ et qui ne m’avait jamais quitté. Dès le début, je l’avais cousue secrètement à l’intérieur de mon cordon du rite de Memphis ; et cette précaution ne fut pas inutile, puisqu’à Calcutta, lors de l’épreuve imprévue des serpents, on m’obligea à me dépouiller de tous mes vêtements et à ne garder sur moi que mes insignes maçonniques ; pour moi, j’ai la conviction intime que c’est surtout à cette sainte et précieuse médaille que je dois d’être sorti indemne de cette première dangereuse affaire. Une fois constitué Hiérarque, c’est dans mon cordon palladique, toujours intérieurement, à la pointe, que j’avais cousu ma médaille de-Saint-Benoit. Elle me donna donc encore confiance, et je pris la résolution d’assister à une tenue de la San-ho-hoeï, quoi qu’il pût m’arriver.


Chinois et opium sont, on le sait, deux mots qui consonnent volontiers l’un avec l’autre ; dès qu’on prononce l’un, l’autre vient tout naturellement à l’esprit.

Avant de voyager, dans les quelques livres que j’avais eu l’occasion de lire sur la Chine et ses mœurs et coutumes, l’habitude de fumer l’opium était une de celles qui m’avaient le plus frappé. Ce n’était pas pourtant le fait de cette étrangeté qui avait impressionné mon esprit ; car cette étrangeté n’est en réalité qu’apparente. Ceux qui s’extasient à ce propos sont, en somme, de bons nigauds, et, disons le mot, de vrais Parisiens dont la badauderie est incommensurable, qui, ne connaissant rien, n’ayant rien vu, s’étonnent de tout ce qui n’est pas Paris. Hélas ! que Paris est petit, cependant, et peu de chose pour qui a vu le monde et a pu comparer !…

Mais la question n’est pas là, et il y aurait trop à dire si l’on voulait entamer un chapitre sur l’incongrue impertinence de mes compatriotes et, en particulier, des Parisiens, qui, par un sot chauvinisme, s’imaginent que nous sommes le premier peuple du monde, qu’après nous il faut tirer l’échelle, et qui le croient fermement.

Ils ne croient pas en Dieu, mais au sel renversé sur la table, aux fourchettes en croix, et à Paris. Ah ! le diable a beau jeu avec cette catégorie de nigauds, si nombreuse dans notre cher pays de France, gens qui se figurent que nous sommes au-dessus de tout, que nous absorbons tout, que nous sommes tout. Certes, notre pays a sa place et sa grande place dans le concert du monde, mais sa place et pas plus !